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Patrick Santilli

L’inégalité salariale serait-elle une arnaque intellectuelle?

Une étude en rouge

A l’heure d’ouvrir l’enquête, voilà les données dont nous disposons…

Une rengaine tourne en boucle  depuis des années : les femmes sont moins payées que les hommes. On nous assène depuis tout aussi longtemps que cette inégalité doit disparaître car elle serait le produit d’une discrimination.

L’instinct de l’enquêteur, lui, est méfiant :

Lorsqu’il s’agit de psychologie, combien de fois ai-je vu les médias relayer des informations auprès de la population, alors que la recherche scientifique faisait d’autres constats ! L’échec scolaire massif des élèves à haut potentiel, par exemple, est incessamment évoqué dans la presse populaire, alors que toutes les recherches au niveau international observent depuis des années exactement l’inverse : les élèves à haut potentiel intellectuel ont plutôt tendance à réussir leur scolarité mieux que les autres. Concernant ce thème, j’ai pris conscience que lorsque la désinformation est relayée de façon massive et récurrente, non seulement la population finit par y croire, mais les politiques et des professionnels du domaine également. Eh oui, pourquoi mettre en doute ce que l’on nous dit ? Pourquoi aller vérifier, puisque c’est si souvent répété ?

Ayant conscience de ceci, je ne me sens pas l’envie de bêler à l’unisson avec les autres, juste parce que le discours de la discrimination est trendy. Je préfère d’abord me lancer dans un rigoureux processus de vérification. Disons que c’est une étape… élémentaire !

Macfarlane, loupe et pipe en bois, me voilà armé ; je démarre mon enquête avec la question suivante : est-il juste que les hommes gagnent plus que les femmes ? Une rapide investigation me permet de constater qu’effectivement, en moyenne, c’est le cas.

A ce stade, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est que si je désire un certain salaire, il va en grande partie dépendre de ce qui se joue lors de l’entretien d’embauche et surtout de ma réponse à la question : « quelles sont vos prétentions salariales ? » Je me demande si le positionnement masculin face à cette question est plus gonflé. Eh oui, on le sait, vouloir avoir la plus grosse est une préoccupation très masculine… Je parle de la masse salariale, bien évidemment.

Je découvre que plus de 30 ans de recherches, au niveau international, en sociologie, en économie et en psychologie constatent qu’effectivement les femmes ont, en moyenne, des prétentions salariales plus modestes que celles des hommes. Cela est également confirmé par l’Office fédéral de la statistique dans un rapport de 2021. On peut y lire l’explication suivante :

En fin de compte, le niveau de rémunération dépend également du comportement de l’employé en cours de négociation salariale. Dans un article de synthèse, Croson & Gneezy (2009) mentionnent des études qui démontrent qu’en moyenne, les femmes s’en sortent un peu moins bien que les hommes en cours de négociation, notamment parce qu’elles sollicitent un salaire initial inférieur et qu’elles évitent plus souvent que les hommes de s’engager dans des négociations.[1]

Pourquoi cet état de fait est si rarement mis en avant dans le débat concernant les différences salariales ? Pourquoi faut-il aller fouiller dans les études pour constater que, finalement, les femmes demandent moins d’argent que les hommes ? Est-ce un constat si dérangeant que l’on préfère détourner l’attention des gens sur un thème non seulement plus vendeur, mais aussi plus scandaleux: la « discrimination » ? Je m’interroge.

Il me faut être juste avec les médias. Lorsque l’on fouille bien, on trouve tout de même quelques articles destinés au grand public qui évoquent cette question.

Par exemple, dans le journal Le Temps du 26 mars 2015, on peut dénicher un article intitulé : « Une femme qui ne demande rien concernant son salaire obtiendra nettement moins ». Dans celui-ci, Franziska Tschan, professeure de psychologie du travail à l’Université de Neuchâtel, confirme la chose suivante : alors que les hommes profitent de leur temps au Club Diogène pour parler business, « les femmes entreprennent beaucoup moins souvent que les hommes une négociation, particulièrement dans le domaine professionnel. »[2]

À ce stade de mes recherches, je décide de contacter une connaissance, Mélanie (Watson) Girardin, directrice RH. Mélanie a 20 ans de métier et plus d’un millier d’entretiens d’embauche à son actif. J’ai envie de l’entendre à ce propos. Je me dis que si c’est si flagrant, elle a bien dû s’en rendre compte sur le terrain.

Lorsque je lui dis ce que j’ai découvert, elle exulte : « Enfin quelqu’un qui arrête avec ce discours abrutissant de la discrimination ! Année après année, je passe mon temps à accueillir dans mon bureau des femmes qui ont des prétentions salariales non seulement inférieures à celles des hommes, mais inférieures à leur valeur sur le marché », me dit-elle sur un ton qui combine agacement et résignation. Elle confirme que non seulement les femmes ont ce type de prétentions salariales, mais qu’en cours de carrière, les hommes sont également nettement plus proactifs pour solliciter une augmentation. Là encore, cette réalité est connue depuis bien longtemps.

Linda Babcock, professeure d’économie et directrice du Département des sciences sociales et de la décision à l’université Carnegie Mellon, qui mène depuis plus de 30 ans des recherches à l’interface entre l’économie et la psychologie, résume ses observations dans un livre au titre évocateur : Women Don’t Ask (Les femmes ne demandent pas).

Franchement, la théorie de la discrimination commence à me paraître bien suspecte … Ne serait-ce pas encore une fois un coup du professeur Moriarty ?

En cours de ce chemin d’enquête, je découvre un podcast[3] qui donne la parole à Thomas Breda, professeur à l’École d’économie de Paris (PSE) et chargé de recherche auprès du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Dans cette émission, le chercheur rapporte qu’une étude montre que sur le site Hire.com aux USA, où les postulants en recherche d’emploi inscrivent librement leurs prétentions salariales, les femmes ont, 65% du temps, des attentes inférieures à celle des hommes. Ben voyons…

Franchement, je crois qu’il y a mieux à proposer dans les messages destinés aux masses que la rengaine de la discrimination. Malgré le discours ambiant, aucune étude ne permet de soutenir l’idée que la discrimination serait une cause prépondérante permettant d’expliquer la différence de salaire entre les hommes et les femmes. Aucune !

Attention, il ne s’agit pas ici de nier que de regrettables comportements managériaux puissent exister, provenant d’hommes et de femmes, mais le fait de réduire les causes des différences salariales à des dynamique de discrimination confine à la désinformation, voire à l’endoctrinement.

Finalement, il y a trois choses à retenir de cette enquête :

  1. Les médias sont parfois trompeurs… Vérifier ses sources d’information est essentiel lorsque l’on veut approcher la vérité. D’ailleurs, les bons enquêteurs savent que la télévision déforme bien des choses… Les expressions « élémentaire » et « mon cher Watson », par exemple, n’ont jamais été associées dans les romans de Conan Doyle, mais c’est ce que la télévision a voulu vous faire croire !
  2. L’effet de masse crée une vérité erronée. Il y a des croyances, des « lieux-communs », relayés par tout un chacun (oralement, sur les réseaux sociaux, dans les images, publicités, discours publics) parce qu’ils sont entrés dans les représentations mentales populaires. Ces croyances, bien souvent, ferment le dialogue et restreignent la réflexion, alors qu’au contraire, ils devraient être le point de départ de ceux-ci. Devant un argument tel que « les femmes sont discriminées », il est nécessaire et urgent de pousser la réflexion au-delà, en cherchant à comprendre comment et dans quelle mesure elles sont discriminées – non pas en faisant un exercice mental individuel, mais en se documentant de manière intelligente et précise.
  3. En ce qui concerne la négociation salariale féminine, il existe une possibilité d’amélioration. Si vous-même vous êtes une femme et avez envie de revêtir la célèbre casquette de tweed pour, sur mes pas, découvrir les leviers secrets d’une meilleure négociation salariale, je vous propose Mesdames, de vous connecter dès le printemps 2023 sur le site Patrick Santilli. Une formation est en chemin !

Pour plus d’informations sur le positionnement féminin dans la négociation salariale, consultez ici l’interview de Mélanie Girardin, directrice RH:


[1] Kaiser, B. & Möhr, T. (2021). Analyse des différences salariales entre femmes et hommes sur la base de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2018. Office fédéral de la statistique (OFS), p. 22-23.

[2] Le Temps, 26 mars 2015. Une femme qui ne demande rien concernant son salaire obtiendra nettement moins.

[3] https://podcasts.apple.com/ch/podcast/n%C3%A9gociation-salariale-pourquoi-les-femmes-sont-elles/id1502270391?i=1000545721201


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