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Patrick Santilli

Le burn-out

Une maladie professionnelle : vraiment ?

Par Patrick Santilli et Cloé Bensai

Le burn-out professionnel est souvent perçu comme un épuisement résultant exclusivement d’une surcharge de tâches et d’une pression constante au travail. Une telle perception est peut-être un peu simpliste. En tant que psychologue, Patrick propose une perspective plus nuancée : il soutient que le burn-out n’est pas uniquement lié à des facteurs professionnels, mais qu’il peut être le résultat d’une multitude de facteurs liés à la vie personnelle et au style de vie de l’individu.

C’est indéniable : certaines personnes peuvent être confrontées à des dysfonctionnements professionnels réels. Le stress au travail, les heures supplémentaires, la pression pour atteindre des objectifs toujours plus ambitieux ou encore un manque de compétences sociales de la part des cadres sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à l’épuisement. Cependant, attribuer l’effondrement psychologique d’un individu uniquement à des facteurs professionnels serait une erreur.

Nous devons considérer d’autres aspects de la vie d’une personne. Son style de vie, sa situation personnelle, son rapport au travail et à l’employeur ou ses choix de vie, notamment, peuvent être déterminants.

Les questions à se poser face à un burn-out

L’hygiène de vie

Avant de rechercher les causes professionnelles, il est bon de questionner l’hygiène de vie de la personne :

  • Adopte-t-elle un style de vie sain ?
  • Se couche-t-elle suffisamment tôt pour bénéficier d’un sommeil réparateur ?
  • S’alimente-t-elle de manière à avoir de l’énergie et une santé psychologique favorables ?
  • Pratique-t-elle une activité physique régulière, ou est-elle plutôt sédentaire, avec toutes les conséquences néfastes que cela implique pour la santé mentale ?

Les questions personnelles

Il est également nécessaire de considérer la situation personnelle de la personne :

  • Est-ce qu’il existe des conflits familiaux/de couple ou des préoccupations concernant les enfants qui pourraient augmenter son niveau de stress ?
  • Entretient-elle des relations sociales saines, ou se sent-elle isolée et sans soutien ?
  • A-t-elle des problèmes financiers qui pèsent sur son esprit ?
  • Y a-t-il des fragilités psychologiques préexistantes qui pourraient la prédisposer à l’épuisement ?

Ces facteurs, souvent négligés, peuvent jouer un rôle crucial dans le développement du burn-out. En effet, ils peuvent augmenter la vulnérabilité de l’individu face au stress et à la pression et éroder sa résilience.

Le rapport au travail et à la communication

Dans le cadre professionnel, il faut se pencher sur les habitudes de travail / de communication de la personne concernée :

  • A-t-elle une perception fidèle des attentes de son employeur ? Ne surestime-t-elle pas l’étendue de ses tâches et de son mandat ?
  • Est-elle ce que l’on peut appeler un.e « high-achiever » (un.e performeur.euse) qui accumule les tâches sans se poser de limites ?
  • A-t-elle le souci constant d’être « un.e bon.ne employé.e », « un.e bon.ne cadre », ou « un.e bon.ne manager » et redoute-t-elle les désaccords ou conflits sur le lieu de travail ?
  • A-t-elle exprimé un inconfort professionnel à ses supérieurs ou a-t-elle tendance à se retenir par gêne ou peur de la réprimande ou du regard réprobateur de son entourage professionnel ?

Effectivement, un individu ne sachant pas mettre un cadre à son travail, s’arrêter quand nécessaire ou communiquer lors des moments de fatigue risque de se surmener lui-même, sans forcément d’intervention pressurisante de la part d’un.e supérieur.e.

Les choix de vie

Plus que de considérer le rapport au travail d’un individu en termes quantitatifs (a-t-il trop de travail ?), il est primordial de le considérer en termes qualitatifs (est-ce la bonne activité pour cette personne et inversement, est-ce la bonne personne pour cette activité ?)

Il arrive que des personnes restent dans un travail qui ne leur convient pas et choisissent plus ou moins inconsciemment de renoncer à leur bien-être psychologique :

  • par habitude ou confort psychologique : « je suis à ce poste depuis 10 ans, je n’ai pas envie d’entreprendre un changement énergivore »;
  • par peur ou croyances limitantes : « vu mon âge / ma formation / mes compétences, je ne pourrais pas faire autre chose »;
  • pour soutenir un certain train de vie, par confort matériel : « si je quitte cet emploi, je perdrai mon bonus / mon salaire conséquent / mes avantages logistiques et je devrai changer de logement / de voiture / d’activités de loisir ».

Alors, en croyant prendre sur eux et pouvoir supporter leur situation professionnelle au nom d’autres bénéfices, ces personnes prennent le chemin graveleux vers une falaise appelée « burn-out ». Il est nécessaire de comprendre ses aspirations profondes et d‘identifier ses besoins prioritaires pour éviter ce type d’écueil.

La nécessité d’une approche holistique

Il est souvent plus facile de blâmer un employeur pour son épuisement que d’admettre qu’on néglige son sommeil, qu’on ne fait pas assez d’exercice, qu’on est malheureux dans sa vie personnelle, que l’on n’a pas su identifier/communiquer les signaux d’alarme lorsqu’ils se sont présentés ou qu’on a mal choisi sa profession. Cela peut mener à une focalisation excessive sur les facteurs professionnels, au détriment d’une approche plus globale.

Il est nécessaire d’adopter une vision holistique du burn-out, qui tient compte de tous les aspects de la vie de l’individu. Professionnellement, l’individu doit certes être capable de connaître précisément les attentes de son employeur et d’identifier s’il est en mesure d’y répondre lorsqu’il est dans son état « normal » (hors burn-out). Réduire le burn-out à une simple question de surcharge de travail, cependant, ne permet pas de comprendre et d’adresser tous les facteurs qui peuvent contribuer à son apparition. La santé mentale est complexe et multifactorielle et doit ainsi être soignée en prenant garde à chacun de ces facteurs.

Par exemple, si une personne a des soucis de santé, souffre d’insomnie ou d’un manque de sommeil, il serait bénéfique de traiter ce problème en parallèle de ses difficultés professionnelles. De même, si une personne est confrontée à des conflits familiaux ou à des problèmes financiers, ces questions doivent être abordées afin de réduire le niveau de stress global de l’individu.

Il est également crucial de promouvoir un style de vie sain, y compris une alimentation équilibrée, une activité physique régulière et une gestion efficace du stress. Ces mesures peuvent aider à renforcer la résilience de l’individu et à améliorer sa capacité à gérer les défis professionnels.

Il est également important d’encourager les personnes à chercher du soutien dans leur entourage. Un réseau social solide peut fournir un précieux soutien émotionnel et aider à atténuer les effets du stress.

Enfin, il est essentiel d’encourager les individus à prendre soin de leur santé mentale et à améliorer leurs compétences de communication. Cela peut impliquer de travailler avec un psychologue ou un autre professionnel de la santé mentale pour traiter les problèmes sous-jacents au burn-out, tels que l’anxiété, la peur du regard de l’autre, le manque de confiance en soi ou la dépression. Une fois seulement ces multiples aspects examinés, on peut établir un bilan authentique des causes du burn-out et faire en sorte de rester loin de la falaise.

Conclusion

En somme, le burn-out est un état complexe qui ne peut être attribué à une seule cause. Il est le produit d’une multitude de facteurs, à la fois professionnels et personnels. L’approche holistique permet une prise en charge plus complète et plus efficace des personnes souffrant de burn-out. En identifiant et en traitant tous les facteurs qui contribuent à l’épuisement, nous pouvons non seulement aider les individus à se rétablir, mais aussi à prévenir la récurrence du burn-out. Il est temps de dépasser la vision réductrice qui attribue le burn-out uniquement à des facteurs professionnels et d’adopter une approche plus globale et plus nuancée.

6 commentaires

  1. Arlette B sur 16 mai 2023 à 9h09

    Très bonne analyse. Effectivement, le burnout est la somme de plusieurs facteurs latents qui explosent quand on n’a pas d’alertes.
    Merci encore pour votre article.

    • Cloé Bensaï sur 24 mai 2023 à 21h58

      Ou quand on ne les écoute pas… 🙂 Merci Arlette pour votre réaction.

  2. Lou sur 26 mai 2023 à 13h41

    Je trouve l’approche très complète et correcte ayant été confrontée à cela.

    L’épuisement cognifitif lié au burn-out peut avoir des conséquences grave sur la santé physique et mentale d’ un individu.
    Il est important comme cité de faire une introspection personnelle.

    Cependant je pourrais ajouter que c est peut être également un phénomène de société et culturel;
    dans notre pays ( que j aime ) nous sommes continuellement poussés à la performance professionnelle et privée également, il y a peu de temps libre pour prendre soin de soi.

    Ce que j en retire: j ai bientôt 40 ans je travaille depuis l âge de 15 ans , j ai vécu de belles choses au travail, et des moins belles bien évidement.
    Aujourd’hui je reprends une activité après un an d’arrêt , j ai peur , mais je sais que c est à moi de mettre les limites aux autres mais aussi à moi- même je suis la meilleure personne pour me protéger

    • Cloé Bensaï sur 30 mai 2023 à 14h20

      Bravo pour votre détermination, Lou ! L’équipe Patrick Santilli reste à votre écoute pour toute demande ou question.

  3. JOHANA sur 22 juin 2023 à 18h02

    Voilà une très bonne approche : prendre la problématique dans sa globalité et non pas juste le côté boulot.
    Merci pour cette analyse.
    Johana

    • Cloé Bensaï sur 24 juin 2023 à 9h10

      Merci Johana !

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